Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/670

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la terre et le peu de richesse des habitants ; on y est généralement persuadé que cette province est beaucoup plus chargée que les provinces voisines. Il n’est certainement aucun de ceux qui l’ont successivement administrée qui n’ait été frappé de ce cri universel, et je sais que tous mes prédécesseurs ont fait avant moi à ce sujet de vives représentations au Conseil. Elles ont été jusqu’à présent sans succès.

Il est assez naturel que toutes les provinces se plaignant à peu près également, et le Conseil ne pouvant connaître par lui-même à quel point leurs plaintes sont fondées, il les regarde à peu près du même œil et laisse les choses comme elles sont. Le témoignage même des intendants est suspect, parce que, désirant tous procurer du soulagement à la province qui leur est confiée, ils en plaident la cause avec un zèle égal. On résiste d’autant plus volontiers à leurs sollicitations, que les besoins de l’État ne permettent guère de soulager une province sans répartir en augmentation sur les autres les diminutions qu’on lui accorderait.

Je dois croire cependant que, si l’on pouvait mettre sous les yeux du roi la surcharge d’une de ces provinces d’une manière si claire et si démonstrative qu’il n’y eût plus aucun lieu au doute, sa justice et sa bonté le détermineraient à remédier sur-le-champ au mal.

Il n’est malheureusement pas aussi facile qu’on le croirait au premier coup d’œil d’établir d’une manière précise et convaincante la proportion réelle des impositions avec le revenu des fonds, et de comparer cette proportion dans une province à celle qui règne dans une autre ; et, quoique la notoriété publique et l’aveu des habitants des provinces voisines du Limousin m’aient convaincu depuis longtemps de la réalité de la surcharge dont celle-ci se plaint, il s’est passé un assez long intervalle avant que j’aie pu me procurer aucun résultat précis et propre à établir sans réplique la justice de ces plaintes.

Dans les provinces riches, telles que la Normandie, la Picardie, la Flandre, l’Orléanais, les environs de Paris, rien n’est plus facile que de connaître la véritable valeur des biens-fonds et son rapport avec le taux de l’imposition. Toutes les terres y sont affermées, et leur valeur dans les baux est une chose notoire ; on connaît même la valeur de celles que quelques propriétaires font valoir et qui presque toutes ont été affermées ; tous les fermiers du canton savent