Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/68

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extérieur, nul moyen de donner des bases équitables à l’échange de ce travail contre les productions annuelles du sol. Les nations s’oppriment respectivement, au grand dommage de toutes ; et, au sein de chaque nation, une partie de la société est continuellement sacrifiée à l’autre, au préjudice de toutes les deux. Tantôt les productions manquent de débouché, tantôt le travail reste sans emploi ; et, de là, une foule de souffrances individuelles qui réagissent d’une manière désastreuse sur le corps social.

La seconde est, comme on l’a vu déjà, que le propriétaire, qui seul possède un revenu ou une richesse disponible, dont l’existence n’est pas indispensable à l’entretien du travail productif de la société, doit porter tout le poids de l’impôt. Il n’y a rien à demander au salarié, parce que le salaire n’équivaut qu’à la subsistance de celui qui le reçoit, et rien à demander non plus au capitaliste, par la raison que cette demande serait illusoire, et qu’il saurait toujours retrouver, dans la hausse de l’intérêt ou du loyer de son argent, la compensation des sacrifices qu’on s’imaginerait lui imposer au profit de l’État.

La troisième, enfin, est la prééminence de la grande culture sur la petite, parce que la première donne un produit net bien supérieur à la seconde, et qu’il arrive même souvent que celle-ci est dans l’impuissance de payer le travail du cultivateurs[1].

Après avoir exposé ces principes généraux sur la formation et la distribution de la richesse, et décrit les modes successifs de culture appliqués à la terre, exploitation par ouvriers à salaire fixe, par esclaves, par vassaux devenus propriétaires à la charge d’une redevance annuelle en denrées ou en monnaie, par métayers partageant les fruits avec le maître du sol qui fournit les semences, le bétail et les instruments aratoires, enfin par le fermage où le cultivateur exploite avec ses propres capitaux, l’auteur aborde les questions de détail

  1. Cette question est traitée passion dans les écrits de Turgot, et principalement dans l’Avis sur l’imposition de la taille de 1766, pages 541 et suivantes de ce volume.