Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/731

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56 pour 100. Compensation faite, ce n’est pas la moitié de l’année dernière ; encore est-ce un grain maigre, retrait, qui ne donne presque aucune farine et qui est mêle de beaucoup d’ivraie. Il n’est pas possible d’exprimer la désolation et le découragement qui règne dans ce malheureux canton, où l’on assure que des domaines entiers sont restés sans culture et sans semence, par l’impuissance des propriétaires et des colons.

IV. Prix des grains après la moisson. — Le prix du froment dans l’Angoumois, quoique assez haut, n’a encore rien d’effrayant : il n’est que de 24 à 26 ou 27 livres le setier, mesure de Paris. Il n’en est pas de même du seigle dans le Limousin : il est actuellement à Limoges entre 22 et 24 livres le setier de Paris, c’est-à-dire au même prix où il était en 1770 au mois de février, et lorsqu’on s’occupait d’exécuter l’arrêt du Parlement de Bordeaux qui ordonnait aux propriétaires et aux aisés de se cotiser pour subvenir à la subsistance des pauvres. Mais, dans les autres parties de la province plus reculées, il est à un prix beaucoup plus haut : à Tulle il vaut près de 31 livres le setier de Paris. Dans la Montagne il est encore plus cher, et l’on est près d’en manquer. Ce haut prix est l’effet de l’inquiétude généralement répandue par le déficit sensible des récoltes de toute espèce. La hausse du prix ne fut pas aussi rapide l’année dernière, parce qu’on n’avait point prévu toute l’étendue du mal et qu’on n’avait pas calculé l’effet de la perte des châtaignes et du blé noir, et parce qu’on comptait sur les réserves des années précédentes ; mais l’expérience du passé a rendu ceux qui ont des grains plus précautionnés. La plupart des propriétaires, qui avaient vendu une partie de leur récolte pour faire de l’argent, se sont trouvés dépourvus de grains et obligés d’en racheter à un prix excessif pour nourrir leurs domestiques, leurs colons et les pauvres dont ils ont été chargés. Dans la crainte d’éprouver le même inconvénient, aucun ne vend ses grains, et par une suite des mêmes causes, tout bourgeois, tout paysan au-dessus de la misère veut, à quelque prix que ce soit, faire sa provision. De là le resserrement universel des grains, cause aussi réelle de cherté que le prétendu monopole est chimérique.

V. Bestiaux. — On a été fondé à craindre une maladie épidémique sur les bêtes à cornes, et déjà elle s’était déclarée avec assez de violence dans quelques paroisses de l’élection de Brive et de celle