Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/750

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celle que supportent les provinces voisines, et la plus grande partie des autres provinces du royaume.

2o Nous avons prouvé en 1770 que la disette éprouvée par la province avait fait sortir près de 4 millions de la masse d’argent qui, jusqu’alors, y avait été en circulation : il n’est malheureusement que trop clair que ces sommes n’ont pu rentrer, et que le vide a dû au contraire augmenter, puisque la province n’a pas moins été en 1771 et 1772, qu’elle ne l’avait été en 1770, dans la nécessité de tirer des grains du dehors.

3o Nous avons fait voir qu’indépendamment du retard habituel sur le recouvrement des impositions, et qui consiste en ce que la province n’achève de solder entièrement les impositions d’une année qu’au bout de trois ans, l’excès des charges pendant la guerre avait augmenté les arrérages de la province d’une somme de 1,540,000 1. Depuis l’établissement de la liberté du commerce des grains jusqu’à la fin de 1769, la province s’était rapprochée du courant d’environ 360,000 liv., et n’était plus arriérée que d’environ 1,200,000 liv. En 1770, ses arrérages ont augmenté de 820 000 liv. ; c’est-à-dire qu’il y a eu cette différence entre l’imposition de 1770 et la somme des payements faits dans le cours de l’année sur les exercices de 1768, 1769, 1770, et autres antérieurs. En 1771, les arrérages se sont encore augmentés de 384,000 liv. Quant aux payements faits en 1772, on ne peut encore en avoir l’état précis, puisque l’année n’est pas finie ; mais, pour y suppléer, l’on a comparé les payements faits dans les neuf premiers mois avec les payements faits dans les mois correspondants de 1769. On a pris cette dernière année pour terme de comparaison, parce que la somme des payements a été à peu près égale à celle de l’imposition. Or, les payements faits pendant ces neuf mois correspondant à ceux de 1769, sont plus faibles de la somme de 333,000 liv., dont la province s’est encore arréragée dans le cours des premiers mois de cette année. Toutes ces sommes ensemble font, au moment où nous écrivons, une masse d’arrérages de 2,736,000 liv., non compris le retard ordinaire. Quand la province jouirait de toutes ses ressources, quand elle n’aurait essuyé aucun malheur particulier, on ose dire qu’elle serait dans l’impuissance d’acquitter une dette aussi énorme ; et cependant cette dette acquittée ne la mettrait pas au courant, puisque les impositions ne seraient encore soldées qu’à la troisième année.