Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/752

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donneraient les moyens de se rapprocher du courant dans leurs payements. Le roi recevrait toujours autant, car on doit être sur qu’ils payeront toujours tout ce qu’ils pourront payer : ce qu’on leur demandera de moins sur les années à venir servira à les acquitter de ce qu’ils doivent sur les années écoulées. Le roi, en faisant ce sacrifice, ne perdrait rien de réel : il ne sacrifierait véritablement qu’une créance qui ne sera jamais payée, puisqu’elle ne pourrait l’être qu’en laissant arrérager des sommes égales sur les années à venir. Le roi, à qui il est dû 2,735,000 liv. d’arrérages, et 4,400,000 liv. d’impositions, recevra, je suppose, en 1773, 2,735,000 liv. à compte des impositions de 1773, sur lesquelles la province redevra encore, en 1774, 2,735,000 liv. N’est-il pas visible, que si le roi remettait sur 1773 ces 2,735,000 liv., il aurait autant reçu au bout de l’année ; qu’il recevrait autant en 1774, autant en 1775 ; que par conséquent cette remise, quelque énorme qu’elle paraisse, n’intéresserait en rien le Trésor royal ; tandis qu’elle présenterait au peuple, indépendamment de la perspective la plus consolante, un soulagement réel dans la libération d’une dette, et dans l’affranchissement des poursuites et des frais auxquels elle expose le débiteur ?

Nous nous résumons à dire que la province est surchargée, et qu’il est indispensable de la soulager en la ramenant au niveau des autres provinces, ce qui ne se peut faire qu’en diminuant la masse de ses impositions de 700,000 liv. au moins ; qu’elle est doublement arréragée sur le payement de ses impositions ; que, par un retard ancien et dont l’époque remonte fort haut, les impositions ne sont soldées que dans la troisième année. Nous voyons, par les états de recouvrement de plusieurs années antérieures aux derniers malheurs de cette généralité, que, sur environ 4,400,000 liv. d’impositions, il n’y en a guère que 17 à 1,800,000 liv. soldées dans la première année ; que par conséquent la province est habituellement débitrice de 2,600,000 liv. sur les impositions des années antérieures à l’année courante. Outre ce retard, la province s’est arréragée depuis quelques années d’autres 2,735,000 liv. Ces deux sommes réunies font celle de 5,335,000 livres, que la province doit au roi, indépendamment de l’année courante. Or, il est de toute évidence qu’elle est dans l’impossibilité absolue de jamais payer cette dette. Il y aurait sans doute de l’inconvénient à remettre