Page:Twain - Contes choisis.djvu/167

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— « Eh bien ! qu’en pensez- vous?... car c’est bien vous qui avez écrit cette phrase ? »

— « Ce que j’en pense ? Mais je pense que c’est très juste. Très sensé. Je suis convaincu que chaque année des millions et des millions de boisseaux de navets, rien que dans ce pays, sont perdus parce qu’on les arrache à moitié mûrs. Au contraire, si l’on faisait monter un garçon pour secouer l’arbre... ! »

— « Secouer votre grand’mère ! Alors, vous croyez que les navets poussent sur des arbres ! »

— « Oh ! non, certainement non ! Qui vous dit qu’ils poussent sur des arbres ? C’est une expression figurée, purement figurée. À moins d’être un âne bâté, on comprend bien que le garçon devrait secouer les ceps... »

Là-dessus le vieux monsieur se leva, déchira le journal en petits morceaux, les piétina, brisa un certain nombre d’objets avec sa canne, déclara que j’étais plus ignorant qu’une vache, puis sortit en faisant claquer la porte derrière lui ; bref, se comporta de telle sorte que je fus persuadé que quelque chose lui avait déplu. Mais ne sachant ce que c’était, je ne pus lui être d’aucun secours.

Un instant après, une longue créature cadavérique, avec des cheveux plats tombant sur les épaules, et les broussailles d’une barbe de huit jours hérissant les collines et les vallées de sa face, se précipita dans mon bureau, s’arrêta, immobile, un doigt sur les lèvres, la tête et le corps penchés dans une attitude d’écoute.

Le silence était complet. Le personnage écouta encore. Aucun bruit. Alors, il donna à la porte un tour de clef, puis s’avança vers moi en marchant sur la pointe des pieds avec précaution, jusqu’à me toucher, et s’arrêta. Après avoir considéré ma