Page:Twain - Contes choisis.djvu/187

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de petit plomb, il la remplit jusqu’au menton, et la reposa sur le sol délicatement. Pendant ce temps, Smiley, qui était allé à la mare, barbotait dans la boue. À la fin, il attrapa une grenouille, l’apporta et la donna à l’individu, en disant :

— « Maintenant, si vous êtes prêt, mettez-la à côté de Daniel, avec ses pattes de devant au niveau de celles de Daniel, et je donnerai le signal. »

« Alors il dit : — « Une, deux, trois, sautez ! » Et Smiley et l’individu touchent chacun sa grenouille par derrière. La nouvelle grenouille saute vivement. Daniel fait un effort et hausse les épaules comme cela, — comme un Français, — mais en vain. Elle ne pouvait bouger, elle était plantée en terre aussi solidement qu’une église. Elle ne pouvait pas plus avancer qui si elle eût été à l’ancre.

« Smiley était passablement surpris, et même dégoûté, mais il ne pouvait pas soupçonner ce qui s’était passé. Bien sûr !

« L’individu prit l’argent et s’en alla. Mais quand il fut sur le pas de la porte, il fit claquer son pouce, par-dessus son épaule, comme cela, d’un air impertinent, en disant avec assurance : — « Je ne vois dans cette grenouille rien de mieux que dans une autre. »

« Smiley demeura un bon moment, se grattant la tête, les yeux penchés vers Daniel. À la fin il se dit :

— « Je ne comprends pas pourquoi cette grenouille a refusé de sauter. N’aurait-elle pas quelque chose ? Elle m’a l’air singulièrement gonflée, dans tous les cas. »

« Il saisit Daniel par la peau du cou, et la soulève, et s’écrie :

— « Le diable m’emporte si elle ne pèse pas cinq livres ! »