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L’ARTICLE DE M. BLOQUE


Notre honorable ami, M. John William Bloque, de Virginia City, entra dans le bureau du journal où je suis sous-directeur, à une heure avancée, hier, soir. Son attitude exprimait une souffrance profonde et poignante. En poussant un grand soupir, il posa poliment sur mon bureau l’article suivant et se retira d’un pas discret. Un moment il s’arrêta sur la porte, parut lutter pour se rendre maître de son émotion et pouvoir parler, puis remuant la tête vers son manuscrit, il dit d’une voix entrecoupée : « Mes chers amis, quelle triste chose ! » et fondit en larmes. Nous fûmes si émus de sa détresse que nous ne songeâmes à le rappeler et à essayer de le consoler qu’après qu’il eut disparu. Il était trop tard. Le journal était déjà à l’impression, mais, comprenant l’importance que notre ami devait attacher à la publication de son article, et dans l’espoir que le voir imprimé apporterait quelque mélancolique consolation à son cœur désolé, nous suspendîmes le tirage, et l’insérâmes dans nos colonnes :

« Désastreux accident : Hier soir, vers six heures, comme M. William Schuyler, un vieux et respectable citoyen de South Parle, quittait sa maison pour descendre en ville, suivant sa coutume constante depuis des années, à l’unique exception d’un court intervalle au printemps de 1850, pendant