Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/111

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il n’y a pas d’autre moyen d’en sortir ; et certes l’expérience m’a prouvé qu’il y aurait danger pour sa pauvre raison à ne point jouer mon rôle jusqu’au bout. Pourtant il faut une fin à tout. Fort heureusement je me suis laissé cette porte ouverte.

Il mit un genou en terre et dit :

— Le faible service que j’ai pu rendre à Votre Majesté ne dépasse point les limites du devoir d’un simple sujet, et je n’ai par conséquent aucun mérite ; mais puisqu’il plaît à Votre Majesté de me croire digne de quelque récompense, je m’enhardis à présenter un placet à cet effet. Votre Majesté n’ignore pas, sire, qu’il y a près de quatre cents ans, à la suite de l’inimitié qui éclata entre le roi Jean d’Angleterre et le roi de France, il fut décrété que deux champions entreraient en lice et régleraient le différend par un combat appelé alors jugement de Dieu. Les deux rois et le roi d’Espagne s’étant réunis pour être témoins et juges de cette épreuve, le champion français se présenta ; il était si redoutable que nos chevaliers anglais refusèrent de se mesurer avec lui. Ainsi l’affaire, qui était d’une grande gravité, menaçait de tourner contre le roi d’Angleterre par défaut de tenant de sa cause. Or, à cette époque, parmi les prisonniers enfermés à la Tour, se trouvait le sire de Courcy, qui était la plus vaillante lame d’Angleterre, et qui après avoir été dépouillé de ses honneurs et de ses biens, avait été condamné à une longue et dure captivité. On fit appel à son courage ; il consentit à ramasser le gant du champion ennemi et descendit tout armé dans l’arène. À peine le gentilhomme français eut-il vu la haute stature de son adversaire, à peine