Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/140

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mais tous ces événements, quels qu’ils fussent, étaient bien insignifiants pour Tom auprès de l’épreuve redoutable du dîner en public, où une multitude d’yeux curieux seraient attachés sur lui, et où une multitude de bouches ne se feraient point faute de rire de son maintien et de ses bévues, s’il avait le malheur d’en commettre.

Il aurait bien voulu que ce jour, le quatrième de son règne, n’arrivât point ; mais les rois d’Angleterre ou d’ailleurs, si puissants qu’ils soient, et quelque droit qu’ils aient d’arrêter bien des choses et bien des gens, ne peuvent rien pour arrêter le temps.

Le grand jour était donc venu, et Tom était triste, découragé, distrait, et quoi qu’il fît, il ne parvenait point à se vaincre. Les cérémonies du matin, le lever, la toilette, le déjeuner lui parurent insupportables et l’excédèrent d’avance. À aucun moment il n’avait senti plus cruellement les souffrances de sa captivité.

La matinée était déjà avancée quand il entra dans la grande salle des audiences royales, où il eut un long entretien avec lord Hertford. Il suivait anxieusement les aiguilles de l’horloge, et il eût volontiers donné tout son royaume pour ne pas entendre sonner l’heure où il devait recevoir un nombre considérable de grands officiers du palais et de courtisans.

Au bout de quelque temps, Tom, qui s’était approché d’une fenêtre pour voir ce qui se passait au dehors, avait complètement oublié son entourage et observait avec intérêt l’animation de la foule amassée devant le palais.

Ces milliers de gens se pressant et se bousculant