Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/144

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— J’y suis maintenant, murmura-t-il, c’est l’individu qui a retiré Giles Watt de la Tamise et lui a sauvé la vie ce jour de l’an qu’il faisait si froid ; c’était certainement là une bonne action, et il est fâcheux qu’il ait commis d’autres actions viles et se soit mis dans cette triste situation… Je n’ai oublié ni le jour ni l’heure, par la raison que bientôt après, sur le coup de midi, grand’mère Canty m’administra une volée si rudement conditionnée que toutes celles que j’ai reçues avant et après peuvent passer pour caresses et douceurs auprès de celle-là.

Tom ordonna d’éloigner un moment la femme et l’enfant ; puis, s’adressant au sous-shérif :

— Quel crime cet homme a-t-il commis ?

L’officier de justice fit une génuflexion et dit :

— Plaise à Votre Majesté, ce misérable a fait périr un de vos sujets par le poison.

La compassion qu’avait éprouvée Tom pour le prisonnier et son admiration pour le généreux sauveur de l’enfant qui allait se noyer, se trouvèrent tout d’un coup singulièrement ébranlées.

— A-t-il été convaincu de ce crime ? interrogea-t-il.

— Il y a eu évidence, sire.

Tom soupira et dit :

— Qu’on l’emmène, il mérite la mort. C’est dommage, car c’était un brave homme, ou du moins… je veux dire qu’il en a l’air.

Le prisonnier joignit les mains avec l’énergie du désespoir et fit appel à la clémence du Roi. La terreur était peinte sur ses traits, et des phrases hachées s’échappaient de ses lèvres.

— Oh ! pitié, mylord Roi ; si vous pouvez avoir pitié de ceux qui sont perdus, ayez pitié de moi, sire. Je suis innocent. Il n’y a point de preuves de