Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/175

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— Ah ! tu veux me trahir, toi ! tu me veux livrer à la justice, toi ! Attends que je…

— Tout doux, vieux lifrelofre, s’écria l’Hérissé, en s’interposant au moment où Canty allait laisser retomber son poing bestial sur la tête de l’enfant.

D’un revers de main, le chef des gueux terrassa John Hobbs.

— Ma Dia ! comme jurent les gens en Maine et Poitou, je m’avise, dit-il, que tu ne te morigènes guère au devoir de respect envers tes rois et les maîtres de céans. Prends garde, si tu insultes ou molestes quelqu’un en ma présence, c’est moi qui te ferai pendre, car je suis roi et maître suprême de cette tribu, comme le Grand Coësre l’est à Thunes.

Puis, se tournant vers l’enfant :

— Et toi, petit, dit-il avec bonté, sache que tu n’as point à menacer, et garde ta langue de toute parole mauvaise. Sois roi, si telle est ton humeur et tel ton bon plaisir, mais sois-le sans danger pour toi et pour nous. Laisse le nom que tu viens de prononcer, il ne t’appartient point ; persévérer dans ces dires serait crime de haute trahison ; nous sommes hors la loi, tous tant que nous sommes ici, mais nul de nous n’a l’âme assez basse pour trahir son Roy ; nous sommes de loyaux et fidèles sujets de la couronne d’Angleterre. Et pour t’en donner la preuve : or, ça, rogues et morts[1], tous à l’unisson : Vive Édouard, roi d’Angleterre !

— Vive Édouard, roi d’Angleterre !

Le tonnerre n’eût point retenti avec plus de fracas. La grange en trembla et le petit roi, rayonnant de

  1. Noms de gueux et de vagabonds en argot anglais.