Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/214

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— Fils de Henri VIII, dit-il avec extase, as-tu prié ?

L’enfant voulut se débattre, ses nerfs se tendirent ; il essayait de rompre ses liens : vains efforts ! Alors un son rauque pareil à un râle s’échappa de sa gorge et passa en sifflant à travers ses lèvres comprimées.

L’ermite crut avoir entendu une réponse affirmative :

— Prie encore, dit-il, prie pour les morts !

Un tressaillement agita les membres enchaînés de l’infortuné. Il était livide. Tous les muscles de sa figure se contractaient. Il avait les yeux pleins d’un affreux désespoir.

Il fit une tentative suprême pour recouvrer la liberté. Il se souleva, se jeta à droite, à gauche, se roula, se tordit, frémissant, égaré, frénétique. Mais plus il tirait sur ses liens, plus ceux-ci s’enfonçaient dans ses chairs.

L’ermite avait une expression démoniaque. Son sourire sardonique devenait de moment en moment plus hideux. Ses airs de tête étaient effroyables.

Cependant le couteau allait et venait sur la pierre avec un mouvement lent et régulier. Parfois il s’arrêtait, et alors la voix du vieux Juif rompait le morne silence :

— Les instants sont précieux, disait-il, courts et précieux, prie pour les morts !

L’enfant poussa un gémissement, il ne se débattait plus, il pantelait. Les larmes se moulaient sous sa paupière et coulaient l’une après l’autre sur ses joues ; mais son aspect pitoyable ne pouvait troubler la tranquille assurance de l’insensible et farouche vieillard.

Peu à peu le jour entra dans la pièce. Les con-