Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/223

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voulait pas mendier, et signifia à ceux qui parlaient de lui imposer leur volonté, qu’il les ferait pendre.

Plusieurs jours se passèrent ainsi. Le dégoût que lui inspiraient les honteuses pratiques des vagabonds, la saleté de leurs haillons, l’obscénité de leurs gestes, leur immonde langage lui devinrent peu à peu tellement intolérables, qu’il en arriva à se demander s’il n’aurait pas mieux valu pour lui périr sous le couteau de l’ermite.

Pourtant la nuit, dans ses rêves, il oubliait tous ses maux présents, car il se voyait assis sur son trône et maître absolu du royaume.

Ces pensées avaient pour effet de rendre son réveil plus amer.

Telles étaient les angoisses auxquelles il avait été en proie pendant les jours qui s’étaient écoulés entre sa rentrée au camp des vagabonds et son combat avec Hugo, et ces angoisses avaient été chaque jour plus cruelles, plus poignantes.

Le lendemain du combat, Hugo se leva, le cœur plein de projets de vengeance. Il ne pouvait dévorer l’affront que lui avait fait subir un enfant : il avait juré au roi une haine implacable. Parmi les plans qu’il avait formés pour assouvir cette haine, il y en avait deux qui lui souriaient plus que les autres. D’un côté, il aurait voulu infliger au jeune audacieux un châtiment exemplaire qui humiliât son orgueil, et lui fît perdre à jamais ces airs d’autorité royale et de souverain mépris que l’enfant prenait avec toute la troupe. D’autre part, si ce premier dessein échouait, il était décidé à faire tomber le roi dans un piège, à faire peser sur lui une accusation criminelle quelconque, et à le dénoncer aux autorités pour le livrer à l’implacable rigueur de la justice.