Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/232

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Il y trouva un petit cochon de lait.

Le juge pâlit. Hendon pâlit aussi. Un frissonnement circula dans la foule.

Le roi demeurait immobile, calme, presque indifférent.

Le juge réfléchit longtemps. Il avait l’air atterré. Enfin il regarda la femme avec une visible anxiété, et demanda :

— À combien évaluez-vous cet objet qui vous appartient ?

La femme fit une révérence et répondit :

— À trois shillings et huit pence, Votre Honneur. Pas un penny de moins, et je ne mens pas.

Le juge attacha sur la foule ses yeux attristés, puis il fit signe au constable et dit :

— Faites sortir l’assistance et fermez les portes.

Le constable obéit. Il ne resta plus dans la salle que le magistrat et l’officier de justice, l’accusé, le témoin et Miles Hendon. Celui-ci était livide et pétrifié. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son grand front et ruisselaient le long de ses joues.

Le juge se tourna pour la seconde fois vers la femme, et d’une voix où perçait la compassion :

— Ce malheureux enfant, dit-il, est ignorant, et c’est la faim sans doute qui l’a poussé à commettre ce méfait, car les temps où nous vivons sont durs pour les misérables : regardez-le bien, il n’a pas l’air mauvais, mais quand la faim vous pousse !… Femme, savez-vous que celui qui est accusé et convaincu d’avoir volé un objet de la valeur de treize pence et demi, doit être pendu ? C’est la loi !

Le petit roi tressaillit. Il était consterné, mais il se maîtrisa et se tut.

La femme avait bondi de frayeur.