Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/243

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Le Juif était entré seul dans la chambre à coucher d’où il était sorti, un instant après, la figure bouleversée, l’air consterné.

— J’espérais, avait-il dit, le trouver là couché sur le lit, il n’y est plus.

Hendon avait attendu jusqu’à la nuit. Enfin, désespérant de voir revenir le roi, il avait quitté le fou, pour reprendre ses investigations.

— Le vieux Sanctum Sanctorum était, ma foi, tout affligé de ne pas avoir Votre Altesse sous la main. Il en était tout déconfit, tout malheureux !

— Je le crois bien, fit le roi. Il a dû se dire que le nouveau sacrifice d’Abraham n’était pas du goût du nouvel Isaac !

Hendon déclara que s’il avait su ce qui était arrivé, l’archange aurait passé un mauvais quart d’heure.

Le voyage touchait à sa fin. On n’avait plus qu’une étape à faire. L’imagination de Hendon vagabondait. Sa langue n’arrêtait plus. Il parlait de son vieux père, de son grand frère Arthur, il vantait leur bon cœur, leurs qualités d’esprit, leurs sentiments généreux ; il prononçait souvent le nom d’Édith, mais toujours en tremblant ; et il était si content, si absolument heureux, qu’il disait même du bien de son frère Hughes. Comme on allait être ravi de son retour à Hendon ! Quelle surprise pour tout le monde ! Quelle explosion de joie ! Que de remerciements adressés au Ciel !

Le pays était magnifique. Partout des fermes, des vergers ; la route traversait des pâturages, bordait des collines, s’enfonçait dans la vallée, ondulant comme les vagues de la mer.