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Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/257

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Elle regarda Miles avec intérêt, et elle ajouta :

— Ce danger est d’autant plus grand que vous êtes en effet tel qu’aurait été ce pauvre Miles, s’il avait vécu.

— Mais je suis Miles lui-même !

— Vous croyez l’être, et c’est là votre hallucination ! Je ne mets pas en doute la sincérité de votre croyance, mais cette croyance est, je le répète, purement imaginaire. Je ne viens faire ici qu’une chose : vous avertir. Mon mari est maître de ce domaine, où il exerce la haute et basse justice ; son autorité est absolue ; il a sur tous les habitants de cette contrée droit de vie et de mort. Si vous ne ressembliez point à celui dont vous prétendez usurper le nom, mon mari pourrait se borner à vous inviter à aller promener vos rêves ailleurs ; mais je le connais et je sais d’avance ce qu’il fera de vous : il vous dénoncera comme imposteur, et tout le monde le croira.

Elle attacha sur Miles le même regard de compassion qu’elle avait eu en le voyant la première fois.

— Si vous étiez réellement Miles Hendon, dit-elle, s’il savait que vous êtes son frère, si toute la contrée en était convaincue, écoutez-moi et pesez mes paroles : eh bien ! vous ne cesseriez point d’être en danger, vous seriez exposé au même châtiment, car il vous renierait et vous accuserait de fausseté, et il n’y aurait personne, personne, dis-je, qui osât prendre votre défense !

— Je vous crois, dit Miles avec amertume. Quand on a assez de pouvoir pour commander à une âme noble et droite de renier, et de répudier celui qui donnerait sa vie pour ne point affliger cette âme loyale et généreuse, quand on est sûr que ce commandement sera obéi, on ne doit pas craindre de faire exécuter sa volonté par des gens sans foi ni loi,