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Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/261

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qui sort de chez lui pour admirer un arc-en-ciel et qui est frappé par la foudre !

Peu à peu ses pensées confuses, et se pressant toutes à la fois dans son cerveau, s’éclaircirent et se classèrent avec ordre. Alors sa réflexion se concentra sur lady Édith. Il examina sous toutes ses faces la conduite qu’elle venait d’avoir à son égard ; mais quoi qu’il fît pour la disculper, il n’y pouvait parvenir. Le reconnaissait-elle ? Ne le reconnaissait-elle point ? Jamais il ne s’était trouvé en présence d’un dilemme aussi perplexe. À la fin pourtant, il dut s’incliner devant l’évidence des faits et s’avouer qu’elle l’avait reconnu et renié. Il aurait voulu l’accabler de malédictions, mais il avait eu toujours pour elle un si grand respect, un attachement si vrai, si profond, qu’il lui sembla que maudire le nom d’une femme aimée, ce serait commettre une profanation.

Miles et le roi n’avaient pour se garantir du froid qu’une mauvaise couverture. Ils passèrent une nuit affreuse.

Le geôlier avait fait entrer en contrebande quelques bouteilles de liqueur pour les autres prisonniers. Ceux-ci étaient ivres, ils criaient, chantaient, hurlaient, se battaient, se jetaient à la tête ce qu’ils trouvaient sous la main.

Vers minuit, un homme assaillit une femme et l’assomma à coups de manilles[1]. Il l’aurait tuée si le geôlier n’était intervenu. La paix se rétablit par le procédé accoutumé. Le geôlier assomma l’homme à coups de bâton, et profita de l’occasion pour rosser également ceux qui n’avaient rien fait. Les battus

  1. Anneau qui tient à une chaîne la jambe des forçats.