Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/263

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que sorte leurs traits, et après chacune de ses enquêtes, il demeurait pensif.

Quand il les eut vus tous, il dit avec humeur :

— Tu m’as fait perdre mon temps. Je ne vois ici qu’un tas de vauriens, de traîne-potence, que tu feras bien de pendre haut et court, le plus tôt possible, pour débarrasser le pays de cette lèpre.

Le geôlier eut un éclat de rire.

— Et celui-ci, dit-il, en désignant Miles, ce grand sac à vices, toise-le-moi comme il faut et dis-moi ton avis.

Le vieillard avança curieusement la tête, regarda Miles dans le blanc des yeux, eut l’air de compter les poils de sa barbe, fronça les sourcils, haussa les épaules et dit :

— Ça, Miles Hendon ? Autant dire que je suis l’archevêque de Canterbury. Les yeux que j’ai dans ma tête sont des yeux, vois-tu, et pas des bouchons de liège. Je te dis que cet homme n’est pas Miles, et je m’y connais, je crois.

— Je m’en doutais comme toi, père Andrews, et je sais que tu vois encore un lièvre d’un bout de la plaine à l’autre. Va, si j’étais messire Hughes, j’en aurais fini depuis longtemps avec cette engeance, et…

Le geôlier fit un geste significatif en se dressant sur la pointe des pieds et en feignant de se suspendre par le cou à une corde imaginaire, tandis qu’il imitait, par une espèce de hoquet, le mouvement convulsif d’un homme qui suffoque.

— Dieu me garde, il a une mine de bandit qui fait frissonner, s’écria Andrews en reculant. Si j’avais charge de régler son compte, je le brûlerais à petit feu, ou j’y perdrais ma réputation d’honnête homme.