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Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/285

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tant de chemin. Il se retourna pour jeter un dernier coup d’œil sur Hendon Hall. Il y avait longtemps que le village et le manoir avaient disparu.

Le roi chevauchait sans parler, la tête basse, pleine de pensées et de projets.

Un nuage passa sur le front de Hendon, et le replongea dans ses inquiétudes. L’enfant voudrait-il consentir à reprendre le chemin de la Cité, où il n’avait eu que souffrances et maux, et où il avait été traité si cruellement sous les yeux de son ami, sans compter ses infortunes antérieures ? Miles aimait trop son protégé pour vouloir lui causer la moindre affliction. Il était prêt à renoncer à tous ses plans, si l’enfant s’y opposait. Aussi tira-t-il sur la bride du mulet, de manière à le rapprocher de l’âne, et demanda-t-il d’une voix douce et respectueuse :

— Où allons-nous, sire ? J’attends vos ordres.

— À Londres.

Miles donna un coup d’éperon à sa bête. Il était ravi. Mais pourquoi l’enfant voulait-il aller à Londres ? Il n’y comprenait rien.

La journée se passa sans incident. Dix heures sonnaient, et il était nuit close quand ils passèrent sur le pont de Londres. L’affluence y était plus considérable que jamais. On se poussait, se pressait, s’écrasait. On hurlait et vociférait. Ce n’étaient que hourras et explosions de joie frénétique. Les faces enluminées avaient un aspect fantastique à la lueur des torches allumées. Des clameurs sauvages, des battements de mains ininterrompus saluaient la chute d’une tête de duc ou de grand du royaume exposée là depuis le dernier règne. La tête heurta en tombant le bras de Hendon, puis roula sous les pieds de la populace.