Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/288

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qu’il avait été accoutumé toute sa vie à cet ascendant du Roi sur ses sujets. Il n’éprouvait plus aucune confusion lorsque les nobles princesses lui baisaient la main en se retirant.

Il aimait maintenant à se voir reconduire au lit en grande pompe le soir, à se voir habiller le matin en grande cérémonie. Il éprouvait je ne sais quelle satisfaction orgueilleuse à se rendre processionnellement à sa table, escorté par les grands officiers de sa couronne et les gentilshommes de sa garde ; et cette satisfaction était telle qu’il doubla le nombre de ces derniers et le porta à cent au lieu de cinquante. Il tressaillait de bonheur lorsqu’il entendait les fanfares résonner dans les longs corridors et les sentinelles répéter de distance en distance : « Place pour le Roi ! »

Il aimait à s’asseoir sur son trône et à présider son grand conseil. Et il n’était déjà plus un simple jouet aux mains du Lord Protecteur, qui s’étonnait de ne plus l’entendre dire tout haut ce que « son oncle » lui soufflait tout bas.

Il aimait à recevoir les grands ambassadeurs et leur suite magnifique. Il aimait à écouter la lecture des messages affectueux que lui adressaient les plus illustres souverains qui l’appelaient « mon frère », lui, Tom Canty, le petit pauvre, d’Offal Court !

Il aimait ses beaux costumes et il commandait qu’on lui en fît d’autres. Il aimait ses quatre cents gentilshommes de service, et il trouvait que c’était peu pour rehausser l’éclat de sa couronne : il voulut en avoir trois fois plus. Les adulations de ses courtisans, leurs salamalecs lui semblaient une musique enivrante ; mais cet enivrement ne lui faisait point perdre sa bonté naturelle ;