Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/312

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Le Lord Protecteur regardait les deux enfants avec anxiété.

Une pensée dominait parmi celles qui se pressaient dans son cerveau :

— Le salut de l’État défend, se dit-il, de s’arrêter à ces suppositions ridicules et de laisser subsister plus longtemps cette redoutable énigme, qui pourrait diviser la nation et ébranler le trône

Il eut un geste de commandement :

— Sir Thomas, arrêtez ce… Non…

Son visage s’illumina d’une subite clarté :

— Où est le grand sceau ? demanda-t-il vivement au prétendant en haillons. Répondez, car de votre réponse dépend votre salut.

Il y eut un mouvement d’approbation dans l’assemblée. Aucun des grands dignitaires de la couronne n’avait perdu le souvenir de cet événement resté inexplicable, et sur lequel Tom Canty n’avait jamais fourni d’explication catégorique : la disparition du grand sceau ! Il est vrai que la folie du Roi le rendait excusable, et que le caractère même de cette folie étant le manque de mémoire des choses les plus usuelles, on comprenait qu’il ne sût plus ce qu’il avait fait du grand sceau. Mais l’autre, l’imposteur, le mendiant audacieux, qui avait arrêté la main de l’archevêque de Canterbury au moment où le Roi allait être couronné, comment pouvait-il savoir ce que le prince de Galles était seul à connaître ?

Le Lord Protecteur avait eu une idée ingénieuse en touchant le vrai point de la question, en confondant le téméraire, en prouvant devant toute la noblesse d’Angleterre l’inanité de cette témérité et