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UNE BROUILLE.

d’un doigt distrait le livre qu’il avait posé devant lui, puis il s’accouda sur son pupitre et se disposa à lire. Tom lança un regard du côté de Becky et oublia aussitôt sa querelle. Il fallait agir et agir vile. Mais l’urgence même du cas paralysa ses facultés inventives. Enfin une excellente idée lui traversa l’esprit. Il s’élancerait à l’improviste, empoignerait le livre et disparaîtrait sans laisser au lecteur le temps de revenir de sa surprise. Par malheur, lorsqu’il se fut décidé à exécuter cet audacieux projet, il était déjà trop tard.
Qui a déchiré ce livre ?
M. Dobbins releva brusquement la tête, frappa un coup sec sur son pupitre et contempla la classe d’un air qui fit trembler jusqu’à Sid, l’élève modèle. Il y eut un intervalle de profond silence qui dura au moins deux minutes ; le maître emmagasinait sa colère, pour employer l’expression de Tom.

— Qui a déchiré ce livre ? demanda M. Dobbins d’une voix retentissante.

Personne ne souffla mot. On aurait entendu voler une mouche. M. Dobbins passa une inspection rapide de tous les visages dans le vain espoir d’y trouver un indice révélateur.

— Benjamin Rogers, est-ce vous ?

— Non, monsieur.

— Joseph Harper, est-ce vous ?

Nouvelle dénégation. Ces procédés inquisitoriaux infligeaient à Tom une lente torture. Combien de temps cela allait-il durer ? Il ne tarda