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UN BADIGEONNAGE AUX ENCHÈRES.

de cinquante mètres de distance, Jim ne reparaissait guère qu’au bout d’une heure avec son seau. Encore était-on presque toujours obligé d’aller le chercher.

— Comment tu vas encore là-bas, mon pauvre Jim ? Tu dois être fatigué, hein ? J’irai à ta place, si tu veux donner un coup de badigeon.

Jim secoua la tête.

— Pas moyen, massa Tom, répliqua-t-il. Maîtresse ne veut pas que je m’amuse en route. Si massa Tom me demande de badigeonner, faut pas que je l’écoute, car elle garde l’œil ouvert, et gare à moi !

— Bah, Jim, elle parle toujours comme ça. Passe-moi le seau. Je serai revenu dans dix minutes ; elle n’y verra que du feu.

— Non, j’ose pas, massa Tom. Elle m’arracherait la tête, vrai ! Elle l’a dit.

Elle ! Elle ne tape jamais pour de bon, tu le sais bien. Un coup de dé sur la caboche tout au plus. Qui fait attention à un coup de dé ? Tiens, je te donnerai cette bille.

Jim commençait à hésiter.

— Une belle bille en stuc, Jim. Elle vaut mieux qu’une agate.

— Oui, très belle, massa Tom ; seulement j’ai peur d’être battu.

Mais la tentation aussi était trop forte. Jim posa le seau à terre et prit la bille. Une minute plus tard, il descendait la rue au triple galop, l’épaule endolorie, un seau à la main ; Tom badigeonnait avec énergie, et la tante Polly se retirait avec une pantoufle qu’elle venait de ramasser.

L’énergie de Tom ne dura pas. Il songeait aux projets qu’il avait formés pour la journée qui débutait si mal. Bientôt ses camarades, libres après la classe du matin, allaient se montrer. Comme on se moquera de lui en le voyant travailler ! Cette pensée l’exaspère. Il tire de ses poches tous ses trésors et les examine. Hélas ! les billes et le reste ne suffiraient pas pour acheter une heure de liberté ! Ses moyens