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BILLETS ROUGES ET BILLETS BLANCS.

— Voyons, Tom, n’as-tu pas honte ? L’eau ne te fera pas de mal.

La cuvette fut remplie de nouveau. Cette fois, notre héros prit son courage à deux mains et, lorsqu’il reparut, un honorable témoignage ruisselait le long de ses joues sous la forme d’un liquide savonneux. Quand il fut habillé, sa cousine lui fit passer une inspection rigoureuse, donna un dernier coup de brosse à ses cheveux et arrangea ses boucles brunes d’une façon symétrique. Ces boucles faisaient le désespoir de Tom. Elles lui paraissaient efféminées, et il prenait une peine inouïe pour les plaquer contre son crâne. Marie boutonna ensuite sa jaquette, rabattit son vaste col sur ses épaules et le couronna d’un léger chapeau de paille. Ainsi accoutré, il avait vraiment bonne mine et se trouvait fort mal à l’aise. Il se sentait beaucoup moins gêné dans son costume de tous les jours.

Marie fut bientôt prête, et les trois enfants — l’aînée, malgré ses airs de petite maman, n’était pas beaucoup plus âgée que ses cousins — partirent pour l’école du dimanche. La classe, ce jour-là, durait de neuf heures à dix heures et demie ; puis l’on assistait au service divin. Sid et Marie restaient de leur plein gré, et leur compagnon restait aussi… par nécessité.

Arrivé près de la porte de la modeste église, Tom accosta un de ses condisciples.

— Dis donc, Jack, as-tu un billet jaune ? lui demanda-t-il.

— Oui.

— Veux-tu me le céder ?

— Qu’est-ce que tu m’en donnes ?

— Trois bâtons de réglisse et un hameçon.

— Montre-les.

Le marché et plusieurs autres du même genre furent vite conclus ; Tom échangea ainsi une foule d’objets précieux contre un certain nombre de billets rouges ou bleus, puis il s’arrêta.