Page:Twain - Les aventures de Tom Sawyer, trad Hughes, illust Sirouy, 1884.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
COMMENT ON SE DÉBARRASSE DES POIREAUX.

dont les pans lui battaient les talons. Son chapeau était une ruine effondrée, aux bords de laquelle on avait arraché un large croissant. Une seule bretelle soutenait un pantalon dont le fond formait un sac qui ne renfermait rien, et dont le bas aurait traîné dans la poussière s’il n’avait pas été retroussé. Par nécessité, Huckleberry se montrait toujours affublé d’un costume de rebut dont il ne paraissait ni fier ni honteux. Il allait et venait à sa guise. L’heure de ses repas était incertaine ; mais, toujours prêt à faire une commission ou à donner un coup de main, il ne risquait pas qu’on le laissât mourir de faim. L’été, il dormait sur les marches de la première maison venue, et, en hiver, il couchait dans quelque écurie. Il se livrait au plaisir de la pêche ou de la natation quand l’envie lui en prenait. On ne le grondait pas lorsqu’il se battait. Il veillait aussi tard que cela lui convenait. Bref, il jouissait de toutes les libertés qui rendent la vie précieuse. Du moins telle était l’opinion des écoliers de Saint-Pétersbourg, gênés et harassés par les mille freins qu’imposent les convenances sociales.

— Holà ! Huck, s’écria Tom dès qu’il aperçut maître Finn.

— Holà ! toi-même.

— Qu’est-ce que tu as là ?

— Un chat mort.

— Où l’as-tu trouvé, Huck ?

— Je l’ai acheté à Jem en échange d’une balle.

— À quoi est-ce bon, un chat mort ? demanda Tom.

— À quoi ? On s’en sert pour guérir les poireaux.

— L’eau de pluie vaut mieux, Huck.

— Allons donc ! Bob Tanner a essayé, et ça n’a pas réussi.

— Comment s’y est-il pris ?

— Il est tout bonnement allé dans la forêt, et il a trempé ses mains dans un tronc d’arbre pourri où il y avait de l’eau.

— En plein jour et sans rien dire, je parie ? Si tu te figures qu’on