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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

— Laissons parler Jack Potter.

— Jack Potter n’a rien vu, donc il ne pourra rien raconter, répliqua Tom.

— Hein ? Qu’est-ce que tu me chantes là ?

— Il venait d’être assommé lorsque Joe l’Indien a frappé le docteur. Comment veux-tu qu’il sache quelque chose ? Et puis le coup l’a peut-être tué,

— Je te parie que non, répondit Huck. Il était gris, comme toujours, et mon père avait l’habitude de dire que quand un individu est ivre, on lui cognerait la tête avec une église sans lui faire trop de mal.

Après avoir réfléchi un moment, Tom demanda :

— Huck, es-tu certain de pouvoir garder le secret ?

— Oh ! oui, car si j’ouvrais la bouche, Joe ne se gênerait pas pour me noyer comme un chien. N’aie pas peur, va, Tom ; je ne parlerai pas.

— N’importe, nous allons jurer de ne pas souffler mot.

— C’est cela, jurons.

Et joignant le geste à la parole, Huck leva la main et se disposa à prêter le serment demandé.

— Attends un peu, Huck ; il ne s’agit pas d’un petit serment de rien du tout, interrompit son compagnon. Pour une affaire sérieuse il faut des écritures et du sang.

L’occasion de signer un contrat de son sang ne se rencontre pas souvent ; elle ne se présentait même qu’une seule fois dans les livres que Tom avait lus. L’heure, le lieu, les circonstances donnaient en outre à la cérémonie un caractère solennel. Il s’empressa donc de ramasser un large copeau de bois blanc que les rayons de la lune semblaient lui désigner, chercha un bout de crayon parmi les trésors que contenaient ses poches et traça, avec beaucoup plus d’application