jambes paralysées. Me ressaisissant, je pris le seul parti possible dans ma situation, et lui tendis nonchalamment mon billet, en disant :
— Faites-moi de la monnaie, je vous prie.
Sortant de son ébahissement, il se confondit en excuses de ne pouvoir changer ce billet. Il n’osa d’ailleurs pas le toucher, me déclarant qu’il se contenterait de le regarder avec admiration, que la vue de cette merveille délectait ses yeux, mais qu’il ne se permettrait jamais, lui pauvre hère, de porter la main sur cet objet sacré, de peur de le profaner.
J’insistai à mon tour :
— Ayez l’obligeance de me le changer, car je n’en possède pas d’autre.
Il me répondit que cela n’avait pas la moindre importance ; que cette bagatelle se réglerait à la prochaine occasion.
J’eus beau protester que, peut-être, je m’absenterais… que…
Il ne voulut rien savoir ; m’assura qu’il n’était pas inquiet de son argent, et me déclara même qu’il mettait son restaurant à ma disposition et qu’il m’ouvrait un compte à crédit illimité. Il ajouta que, si cela me faisait plaisir, je pouvais évidemment me passer la fantaisie de me moquer du public en m’habillant de hardes, mais que cela ne l’empê-