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cussions qu’il a fait naître que pour y trouver des objections contre les dogmes de la foi chrétienne, pour essayer de mettre les docteurs catholiques en contradiction avec eux-mêmes et avec leur conscience, en les faisant passer comme défendant, à cause de leur croyance religieuse, des doctrines contraires à leur conviction de philosophes, ou enfin pour lancer des sarcasmes contre les papes et le clergé, à cause de leur conduite relativement à quelques-uns des principaux champions qui ont soutenu les côtés les plus opposés dans la lutte animée que ce sujet a provoquée au moyen âge [1].

Je ne me propose pas de discuter dans toute son étendue cette importante question ; je ne prétends pas non plus en donner une solution complète. Je me bornerai à traiter sommairement les trois points suivants : 1o Quel est précisément l’état de la question concernant la nature des universaux, que l’on a si vivement discutée durant tout le moyen âge, et quel est le sens des principales réponses qu’on lui a données ? 2o Quelle voie devrait prendre celui qui voudrait tenter d’en trouver une solution certaine, et à quel point peut-il espérer de réussir dans cette tentative ? 3o Quel rapport cette question a-t-elle avec les dogmes de la religion catholique, et à quel titre l’Église peut-elle être intéressée et peut-elle intervenir dans sa solution ?

Ire PARTIE.

Le problème ontologique que renferme la question des universaux peut être exprimé en ces termes : Lorsque nous réfléchissons sur l’ensemble des êtres qui composent l’univers, nous remarquons que, malgré les différences qui les distinguent tous les uns des autres, ils ont aussi tous quelque chose de commun, puisqu’on ne saurait se représenter deux êtres, quelque disparates qu’ils soient, qui ne se ressemblent point par l’une ou par l’autre de leurs propriétés. Et, d’après leur plus ou moins de ressemblance, tous les savants divisent les êtres connus en certaines classes ou catégories appelées genres et espèces. Dès-lors, se demande-t-on naturellement, ce qui est commun aux divers êtres d’une même catégorie, est-ce quelque chose d’identique ou quelque chose de semblable seulement? et par conséquent l’universel, ce qui leur est commun, a-t-il une existence réelle et objective, ou n’existe-t-il que dans notre entendement? en d’autres termes : y a-t-il dans tous les individus qui constituent un genre ou une espèce d’êtres quelque chose de positif, de réel, de substantiel et véritablement un, à quoi ils participent tous, ou bien n’ont-ils de commun entre eux que la ressemblance? ou bien encore : n’existe-t-il que des individus? l’universel a-t-il seul une véritable existence? ou les universaux et les individus existent-ils en même temps ?

  1. Entre autres Tennemann, Histoire de la philosophie, tom. viii, et Rousselot, Études sur la philosophie dans le moyen âge.