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UNE VIE BIEN REMPLIE

défaut de mairie, il inscrivait les naissances, les décès et les mariages dans sa maison ; il recevait ses voisins et amis chez lui ou il allait chez eux faire la partie de cartes ; quand on le rencontrait, on le saluait par son nom : « Bonjour Dubois ou Durand ». Mais, petit à petit, avec les moyens rapides de transport, tout ce monde a voyagé ; à la Préfecture ou Sous-Préfecture, ils sont traités avec égard ; ce n’est plus M. Durand, c’est Monsieur le Maire.

Quand, en 1900, le gouvernement les a invités à ce fameux dîner des Tuileries, ils y sont allés plus de trente mille ; un grand nombre portaient encore la blouse nationale sur l’habit qui avait servi à leur mariage : c’étaient les simples qui représentaient réellement leurs concitoyens ; c’était là la démocratie du peuple. Mais quand ils ont vu leurs collègues les maires des grandes villes, cajolés, flattés, encensés par les puissants, ministres, députés, sénateurs, ils se sont dit qu’ils représentaient une partie de la puissance de l’État et à dater de ce moment, leur autorité s’est développée, leurs relations avec les préfets et sous-préfets, sénateurs et députés, se sont multipliées. Aujourd’hui, les maires sont une puissance dans l’État. Ils sont d’un certain poids dans les élections.

Je causais dernièrement avec l’un d’eux, qui était venu aux Simons voir un parent qui, lui, est resté peuple dans toute l’acception du mot ; il émettait une très belle idée ; il disait que tous les maires devraient se fédérer ; ils se réuniraient plusieurs fois par an, au canton et une fois par an, toutes les communes et cantons se réuniraient au chef-lieu d’arrondissement en congrès, pour émettre leurs idées ; délégués de leurs communes par les municipalités, ils les représenteraient d’une façon autrement effective que le conseiller général qui n’est la plupart du temps que l’homme de paille dévoué au préfet et au député. Alors les communes pouraient s’entraider pour créer des services de transports, faire des achats de machines et d’engrais, construire des mairies et des écoles, etc. Ce serait la décentralisation, plus de liberté et plus de bien-être pour les communes et aussi plus de dignité et de considération pour ses représentants.

À ce moment de notre causerie, nous arrivions devant une petite maison à coins de briques, tapie en retrait dans