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UNE VIE BIEN REMPLIE

Tout dans cette ville était fait pour les riches, rien pour les pauvres. Les jeunes gens de toute la contrée qui touche aux Pyrénées aiment à chanter, des chœurs surtout ; c’est un vrai plaisir de les entendre ; mais à l’époque dont je parle, on lisait, sur affiche placardée aux murs de la mairie, que le plus grand calme devait régner dans la ville, afin de ne pas troubler le repos des étrangers.


XIII


De Pau à Tarbes, quel joli coup d’œil ! Dans le lointain la montagne, que l’on se figure être tout près, le soir. Je m’étais assis au bord d’un petit ruisseau, le soleil était couché sur le côté où j’étais, alors qu’il brillait de tons roses au faîte de la montagne, je me demandais en ce moment lequel me charmait le plus : le chant d’un gardeur de chèvres, qui était d’une grande douceur, ou le coucher du soleil vu sur la montagne ; peut-être était-ce le soleil qui l’emportait.

Je n’ai rien noté de Tarbes. Après avoir vu Pau avec son air de fête, les jeunes filles chantant toujours et fraiches comme les premières roses, Tarbes me paraissait mort.

Après avoir quitté Tarbes, un homme, qui allait du côté de Toulouse chercher du vin, me prit dans sa voiture pendant trois ou quatre heures. Le village où il s’arrêtait possédait une seule auberge, vrai cocagne pour les voyageurs. Sur l’affirmation de mon conducteur, que je pouvais me mettre à la table commune, sans craindre une dépense trop forte, le repas ne coûtant que 1 fr. 25 ; il avait dit vrai, car je n’avais encore fait un déjeuner pareil : artichaud, viande de boucherie, poulet, salade et bon vin ; c’était un véritable repas de noces. Il est probable que maintenant, avec les moyens de communication qui existent, on ne mangerait pas si bien pour le double du prix.