Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
UNE VIE BIEN REMPLIE

voyage de quelques jours. Mais en arrivant sur le port de Marseille, l’aspect n’était plus le même : d’abord, la mer, qui faisait rêver aux pays lointains, de plus, le nombre de bateaux est tellement grand et varié, que de suite l’imagination voyage dans tous les pays du monde et puis, c’est une foule qui arrive chaque jour.

Pendant cette première journée, j’ai vu arriver un bateau, courrier de poste, venant de Chine ; deux autres arrivaient d’Afrique avec un grand nombre de passagers, dont la plupart étaient plutôt mal vêtus : burnous sales, pieds nus ; c’était sans doute des gens qui venaient en Europe ou partaient pour l’Amérique chercher à gagner leur vie.

À ce moment, on embarquait sur un paquebot les denrées nécessaires pour un voyage en Chine. Un marin de ce bateau voulut bien me donner des renseignements, j’étais tellement surpris de ce qu’il me disait que je me demandais si je devais le croire (c’était vrai pourtant, je m’en suis assuré plus tard) ; on croit quand même rêver à la pensée que dans ce bateau de 130 mètres, qui paraît bien petit sur la mer, il y a 160 hommes d’équipage, que l’on y embarque 900 tonnes de charbon, que les machines en consomment 75.000 kilogrammes par jour, ce qui représente environ huit wagons, qu’il y a place pour 900 voyageurs, qu’on y embarque vivants des bœufs, des moutons, des porcs, des poules, des pièces de vin, de la farine, en un mot tout ce qu’il faut pour donner à manger à tant de monde.

Le comble de mon étonnement a été quand j’ai demandé à quoi servait les trois mâts, puisque l’on naviguait à la vapeur, de m’entendre répondre qu’il y avait dans les cales 1.600 mètres de toile pour garnir les mâts en cas d’avaries aux machines.

Tout cela est fabuleux, et cependant c’est peu de choses à côté des paquebots ou steamers que l’on fait aujourd’hui, lesquels peuvent loger deux à trois mille personnes.

Le lendemain, un immense steamer débarquait plus de mille passagers et ce qui me causa une profonde impression, ce fut de voir le grand nombre de personnes qui se trouvaient là pour recevoir les voyageurs avec toutes les marques d’une véritable effusion du cœur. On aurait voulu être à leur place pour être ainsi reçus.