Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/204

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Heures, comme elles dansaient ; que sur leurs exhortations pressantes, il se mit à l’ouvrage ; les déesses dont le nom signifie grâce voulant ainsi montrer, j’imagine, que la grâce est nécessaire au peintre. » Lui aussi, pourrait-on dire, a vu les Grâces ou les Heures danser ; et c’est pour leur obéir, qu’il a fait de la grâce son étude ; on ne peut pas soutenir que dans ce projet, les déesses l’aient tout à fait abandonné. Sa grâce toutefois dégénère souvent en afféterie. Olympos dort, dira-t-il, le Zéphyre le caresse, et il répond à cette caresse par le souffle qui sort de sa poitrine. On reconnait là le style des rhéteurs et le mauvais goût de la décadence. Philostrate est trop souvent de son siècle sur ce point.

Tels sont les caractères aisément saisissables de l’ecphrasis de Philostrate. On nous demandera peut-être si le sophiste rend bien dans ses descriptions le sentiment de la composition qu’il a sous les yeux. Pour répondre à cette question en toute rigueur, il faudrait sans doute voir les tableaux décrits. Toutefois nous pouvons donner du talent de Philostrate en ce genre une preuve indirecte ; chacune de ces descriptions est composée de telle sorte qu’elle fait sur le lecteur une impression unique et très nette. La critique d’art qui saisit mal le sens d’une œuvre est souvent confuse dans ses explications ; elle se place, chemin faisant, à des points de vue divers. Ce défaut n’est point celui de Philostrate. Peut-être était-il plus facile à éviter dans l’antiquité que de nos jours, en raison même du sens peu profond et bien déterminé de l’art ancien, à l’époque de sa seconde ou troisième floraison. Le secret de l’art antique tout pénétré du sentiment religieux aurait peut-être échappé à Philostrate, malgré les leçons d’Apollonius de Tyane et les prétentions des sophistes à ce genre d’exégèse ; mais les tableaux de la galerie de Naples ne paraissent pas avoir été conçus dans cet esprit ; ils sont, comme les Métamorphoses d’Ovide, les produits d’un art gracieux qui voit dans les légendes non l’expression de croyances disparues, mais un riche ré-