Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/286

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pourquoi, en celte circonstance, le dieu les a rejetés pour revêtir une drape- rie rouge ; cependant la robe brodée est principalement le costume du Dio- nysos Bassareus, c’est-à-dire thrace ou lydien ; elle est accompagnée de la mitre asiatique (1). Or Dionysos, rencontrant Ariadne, n’est point une divinité d’une contrée spéciale ; c’est le dieu de la jeunesse et de la beauté. Dans les peintures campaniennes, il porte également une draperie couleur de pourpre. Philostrate ne dit point dans quelle mesure cette draperie couvre le dieu ; d’après l’examen de compositions semblables, il est à supposer que la draperie jetée sur les bras et passant derrière le corps, ou couvrant la tête et descendant sur le dos {2), laissait la poitrine, le ventre et les jambes de Dionysos entièrement nus. Dionysos, dit le rhéleur, paraissait ivre d’amour : dans les peintures déjà mentionnées, on ne sait qui l’emporte, sur le visage de Dionysos, du désir ou de l’admiration ; c’est bien là en effet, ce sem- ble, l’expression qui convient au dieu : et c’était sans doute celle que le pein- tre lui avait donnée dans le tableau de Philostrate ; le rhéteur a peut-être le tort de se souvenir trop d’une métaphore anacréontique qui l’empêche de dé- mèêler, sur le visage de Dionysos, les diverses nuances de la passion. Comment les Ménades, les Satyres et Pan devaient-ils se grouper dans la peinture ? Faut-il croire qu’une Ménade prenant le dieu par la main, le con- duisait elle-même vers Ariadne, comme dans telle peinture de Pompéi (3) ? non sans doute ; un détail siingénieux n’eût point été passé sous silence par Philostrate. Faut-il supposer que le dieu Pan était saisi aux cornes par un satyre chargé de contenir sa turbulence, comme sur telle pierre gravée (4) ? Non, encore. Pan se contenait lui-même, nous dit Philostrate ; il avait com- pris l’ordre du maître ; il s’avançait comme Dionysos à pas lents, et craignait d’éveiller trop tôt la jeune femme. Quant aux Satyres, il convient assez de nous les représenter à quelque distance du dieu, peut-être dans le lointain, comme dans une des peintures de Pompéi où cette disposition a permis de multiplier les plans et de donner au tableau un fond plein de variété et de mouvement (5). Les Satyres, comme le dieu Pan, comme les Ménades, se gar- daient de tout bruit ; et cependant, sur des sarcophages qui représentent le


(1) Preller, G. M., 1, 515, note 2 (3° éd.).

(2) Comme dans la pierre gravée décrite au n° 419 de Müller Wieseler où la draperie du dieu est posée sur sa tête en manière de coiffure ; comme aussi sur une gemme conservée au Musée de Florence et dont nous donnons le dessin d’après l’ouvrage de Wicar. Sur la gemme Ariadno se réveille ; dans la peinture de Philostrate, Ariadne dort profondément. Mais outre la différence de moment choisi, on remarquera aussi et surtout la différence de sentiment. Le geste de Silène qui écarte la draperie d’Ariadne donne à la composition un caractère sensuel que ne devait pas avoir Le tableau décrit par le Sophiste.

(3) N° 420 de Müller-Wieseler, IL. Raoul Rochette pensait que Dionysos, dans ce tableau, était ityphallique (Choix de peint, 52), Rien dans la description de Philostrate n’autorise cette con- jecture. IL est d’ailleurs probable que Raoul Rochette a reconnu à tort un Dionysos ityphallique dans la peinture campanienne publiée par lui (Cf. Helbig, Wandg., n° 1234 et la note).

(4) N° 419 du mème ouvrage.

(5) 4 d’il, M, P. 103.