Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/310

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d'Euripide consiste en une suite de malheurs qui s'aggravent les uns par les autres ; le désespoir d'Agavé rend Cadmos plus digne de pitié; la triste mé- tamorphose de Cadmos, en ajoutant aux douleurs d'Agavé, excite plus vi- vement notre compassion pour elle. Reproduits et rapprochés de la même facon par l'art du peintre, ces événements devaient agir pareillement sur l'âme du spectateur, Ne voyons donc pas dans cette métamorphose un hors- d'œuvre ni même un de ces parerga (1), que les peintres employaient pour désigner le lieu de la scène; elle fait partie du sujet ; elle complète digne- ment cette histoire lamentable de Penthée.

En résumé, le sujet est emprunté à la pièce d'Euripide ; mais l'artiste n'a pas suivi le poète servilement. Ainsi Dionysos, qui disparaît dans la pièce au moment du meurtre y assiste dans le tableau ; présent dans la pièce, lors- que Cadmos et Harmonie sont métamorphosés en serpents, Philostrate ne le mentionne pas en décrivant la dernière scène. Dans Euripide Agavé saisit la main gauche de Penthée, et, le pied appuyé sur le flanc du malheureux prince, elle lui arrache le bras (2) ; dans le tableau, elle le saisit par les che- veux ; les bras sont arrachés par les tantes. Penthée, dans la pièce, avait revêlu le costume féminin ; sur le conseil de Dionysos, il avait pris le thyrse et la mitre; Philostrate ne parle point de son costume ; il est probable qu'il était nu comme sur les bas-reliefs. Dans la pièce, c'est Cadmos lui-même qui recueille les débris de son petit-fils. Dans le tableau, subissani la métamor- phose que le dieu lui inflige, il ne peut rendre à Penthée les derniers de- voirs. Les parents se sontchargés de ce soin, dit Philostrate, qui désigne sou- vent par ce terme un peu vague des personnages qu'il n'a pu nommer autrement et qui peut-être n'avaient pas de nom dans l'esprit du peintre. D'un autre côté, comparé aux monuments antiques, le tableau de Philostrate présente, dans les parties analogues, des différences que nous avons relevées ; les attitudes surtout ne sont pasles mêmes; rappelons toutefois que sur quelques-uns Penthée est traîné par les cheveux comme dans notre tableau. C'est donc une composition originale réunissant des traits empruntés à Eu- ripide, et d'autres qui sont conformes ou du moins n’ont rien de contraire au

-caractère des monuments antiques (3).


(1) Weïcker justifiait ainsi le peintre.

€) Eur., Bacch., v, 1124.

Ü (3) Outre les monuments cités, voir un vase de Ruyo (Minervini, Memor. acc., tay. 1), un vase de Jatia (Bull. Nap., I, tar. 6) une coupe de Calès, tous monuments mentionnés par

l'rch. Zeitung de l'année 1873, p. 80. Sur le vase de Ruvo, Penthée est agenouillée ; de sa

main droite, il tire l'épee que saisit une Ménade; il a la main gauche enveloppée de sa chla-

myde. La coupe de Calès le montre également à genoux; la main droite tient l'épée, la main

gauche, le bouclier; une panthère lui déchire les flancs. Une Ménade ou une Furie (comme le

veut Dilthey), se précipite le thyrse à la main, pour achever l'œuvre de vengeance.