Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/423

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toutes les images antiques du dieu Pan, il n’en est peut-être point qui exprime plus vivement le mécontentement et la colère qu'un buste d'une peinture murale de Pompéëï (1) : le sourcil froncé au point de toucher l'angle interne de l'œil, la bouche ouverte, la lèvre supérieure fortement contractée, lui donnent la physionomie la plus bourrue du monde: ajoutez que les longues oreilles sont droites, que les cornes s'élèvent sur le front d’un air menaçant, et sont séparées par une mèche de cheveux, qui par sa raideur ressemble presque à une troisième corne. Tel devait être, à peu près, le Pan de notre tableau.

Nous devons relever une autre différence entre la composition décrite par Philostrate et le bas-relief du cratère où Pan est représenté dansant malgré lui. Les femmes qui entourent Pan sont plutôt des Ménades que des Nym- phes. Les Ménades, il est vrai, jouent à peu près, dans la légende de Pan, le même rôle que les Nymphes ; le dieu les poursuit comme celles-ci ; il danse avec elles, et, de leur côté, elles le harcèlent comme feraient les Oréades et les Naïades, peut-être avec plus d'audace et d'emportement. Mais notre bas- relief, groupant des Bacchantes autour du dieu, ne peut nous donner aucun renseignement sur le costume des Nymphes qui assaillaient le dieu dans le tableau. Elles étaient, dit Philostrate, réparties en trois groupes ; du moins reconnaît-il parmi elles, à leurs attributs, les Naïdes ou Naïades qui sont les nymphes des eaux, les Bucoloi ou nymphes des troupeaux au pâturage, les Anthusiai ou nymphes des prés fleuris. Sur les monuments figurés, les nymphes ont les pieds et les bras nus, la chevelure flottante, des robes courtes relevées très haut par la ceinture; mais des attributs particuliers les distinguent. On reconnaît les Naïades, par exemple, aux coquillages qu'elles tiennent sur leur poitrine, au vase dont elles se servent pour puiser


de l'eau, à leur couronne de roseau. Les Oréades sont assises sur des.

rochers. La facilité de varier ces attributs permettait à un artiste de repré- senter toutes les tribus de Nymphes dont l'imagination des Grecs avait peuplé la nature entière.

Nous avons recherché les analogies que les œuvres d'art présentent avec la description de Philostrate, au point de vue de la représentation des person- nages ; on peut se demander si le sujet est bien d'accord avec la légende du dieu. Pan, en effet, n'est pas toujours le dieu gauche et maladroit qui à besoin d'apprendre à danser avec grâce ; c’est lui qui donne des leçons aux autres ; il accompagne les danseurs sur la syrinx ou le chalumeau, il danse lui-même au son de ces instruments, et en mesure ; il conduit le chœur des Nymphes ; Sophocle l'appelle le chef, le créateur des chœurs divins (2) ; selon Pindare (3), il est, pour les dieux, le choreutês par excellence ! Mais

(1) Pitt. d'Ere., IV, 109. Ternite, IT, t. 6. — Müll.-Wies., 11, 523.


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