Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/452

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Pour le moment, il se tient sur le rocher et promène son regard sur les mouettes endormies. Debout au milieu de ces oiseaux, il ressemble à Protée au milieu des phoques ; mais il ne dort pas ; c’est un avantage sur Protée. Cependant, nous voici abordés dans une île : quel est son nom ? je l’ignore ; je l’appellerais volontiers l’île d’or, si les poètes n’avaient à la légère donné ce nom à tout ce qui est beau et merveilleux. Pour toute habitation, elle offre un petit palais ; il serait impossible d’y labourer la terre ou d’y cultiver la vigne ; mais les sources y abondent, les unes limpides et fraîches, les autres bouillantes ; l’île est tellement arrosée qu’elle verse à la mer l’excès de ses eaux. Tu vois avec quelle impétuosité elles jaillissent. C’est que les sources placées au centre de l’île et sortant de terre en bouillonnant, sont comme l’eau qui s’agite dans une chaudière et passe par-dessus les bords. Cette merveilleuse production des sources doit-elle être attribuée à la mer ou à la terre ? c’est une question que décidera Protée ; il est venu en effet pour se prononcer sur ce point. Mais considérons maintenant l’autre partie de l’île, la ville ou plutôt le simulacre d’une ville, car si elle est belle et brillante elle n’est pas plus grande qu’une maison. Un enfant royal y est élevé et la ville lui sert d’amusement. En effet elle renferme des théâtres assez grands pour le recevoir lui et les compagnons de ses jeux ; elle possède aussi un hippodrome de grandeur raisonnable pour être parcouru par les petits chiens de Milet ; car l’enfant se sert de ces animaux comme de chevaux ; il les attelle au joug et au char et leur donne pour cochers des singes dont il fait ses serviteurs. Voici un lièvre introduit d’hier dans la maison ; il est retenu par une laisse de pourpre comme un chien, mais il est mécontent d’être enchainé et s’efforce de se dégager de ses liens à l’aide de ses pattes de devant. Voici enfin dans une cage tressée un perroquet et une pie qui, comme des Sirènes, font retentir l’île de leurs chants ; celle-ci chante ce qu’elle sait par elle-même, celui-là ce qu’il apprend.



Commentaire.


Le célèbre archéologue Welcker a fait de ce tableau un commentaire très curieux, mais aussi très hasardé, que nous devons tout d’abord résumer. Le peintre, dit-il, avait représenté sept îles : nombre consacré chez les anciens par la religion et la politique, et en même temps adopté par l’art pour des raisons d’esthétique. Il se prête, en effet, complaisamment aux lois de la symétrie. Un objet, un personnage sur sept étant placé au centre, les six autres se répartissent naturellement en deux groupes qui se font équilibre, et de