Page:Une page d'histoire (éd. Lemerre, 1886).djvu/16

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profondeur, pût s’ajouter à des souvenirs personnels dont j’aurai dit la force — peut-être insensée — quand j’aurai écrit qu’ils ont réellement force de spectres… La ville que j’habite en ces contrées de l’Ouest, — veuve de tout ce qui la fit si brillante dans ma prime jeunesse, mais vide et triste maintenant comme un sarcophage abandonné, — je l’ai, depuis bien longtemps, appelée « la ville de mes spectres, » pour justifier un amour incompréhensible au regard de mes amis qui me reprochent de l’habiter et qui s’en étonnent. C’est, en effet, les spectres de mon passé évanoui, qui m’attachent si étrangement à elle. Sans ses revenants, je n’y reviendrais pas !

Lorsque j’y marche, par ses rues désertes aux pavés clairs, ce n’est jamais qu’accompagné de ces fantômes, qui n’ont pas, ceux-là, d’heure pour nous hanter et qui ne reviennent pas que dans la nuit, tirer nos rideaux sur leurs tringles et mettre sur nos bouches ce qui fut leur bouche, et où l’haleine qui nous enivra ne se retrouve plus !… Pour moi, fatalement