Page:Une page d'histoire (éd. Lemerre, 1886).djvu/27

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d’hommes ou de femmes, mais des êtres à forme et à face inconnues, et on disait dans le pays, à chaque grossesse d’une Ravalet, avec un frisson de curiosité et d’épouvante : « Que va-t-il nous tomber de ce ventre ? Que va-t-il nous vomir d’affreux sur la contrée ? » Mais cette horrible attente fut trompée. Les monstres qu’on attendait furent deux enfants de la plus pure beauté, qui sortirent tout à coup un jour, comme deux roses, de cette mare de sang des Ravalet.

Analogie singulière et mélancolique ! Dans l’écusson des Ravalet, il y avait, fleurissante, une rose en pointe. Il y en eut aussi deux à l’extrémité de leur race, mais ces deux-là portaient dans leur double corolle la cantharide qui devait leur verser la mort dans ses feux… Julien et Marguerite de Ravalet, ces deux enfants, beaux comme l’innocence, finirent par l’inceste la race fratricide de leur aïeul. Il avait été, lui, le Caïn de la haine. Ils furent, eux, les Caïns de l’amour, non moins fratricide que la haine ; car en s’aimant, il se tuèrent mutuellement du double coup de