Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/100

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Si Galathée avoit sceu un peu des affaires de Celadon, par les lettres d’Astrée, elle en apprit tant par le rapport de Meril, que pour son repos, il eust esté bon qu’elle en eust esté plus ignorante. Toutesfois, en se flattant, elle se figuroit que le mépris d’Astrée pourroit luy ouvrir plus aisément le chemin à ce qu’elle desiroit. Escoliere d’amour ! qui ne sçavoit qu’amour ne meurt jamais en un cœur genereux, que la racine n’en soit entierement arrachée. En ceste esperance elle escrivit un billet qu’elle plia sans le cachter, et le mit entre ceux d’Astrée. Puis donnant le sac à Meril : Tien, luy dit-elle, Meril, rends ce sac à Celadon, et luy dy que je voudrois luy pouvoir rendre aussi bien tout le contentement qui luy deffaut. Que s’il se porte bien, et qu’il me vueille voir, dy luy que je me trouve mal ce matin. Elle disoit cela, afin qu’il eust loisir de visiter ses papiers, et de lire celuy qu’elle luy escrivoit. Meril s’en alla. Et parce que Leonide estoit dans un autre lict, elle ne peut voir le sac, ny ouyr la commission qu’elle luy avoit donnée, mais soudain qu’il fut dehors, elle l’appela, et la fit mettre dans le lict avec elle ; et apres quelques autres propos, elle luy parla de ceste sorte : Vous sçavez, Leonide, ce que je vous dy hier de ce berger, et combien il m’importe qu’il m’aime, ou qu’il ne m’aime pas ; depuis ce temps-là, j’ay sceu de ses nouvelles plus que je n’eusse voulu. Vous avez ouy ce que Meril m’a r’apporté, et ce que Silvie m’a dit des perfections d’Astrée ; si bien, continua-t’elle, que puis que la place et prise, je voy naistre une double difficulté à nostre entreprise. Toutesfois ceste heureuse bergere l’a fort offensé, et un cœur genereux souffre mal-aisément un mepris sans s’en ressentir. – Madame, luy respondit Leonide, d’un costé je voudrois que vous fussiez contente, et de l’autre je suis presque aise