Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/145

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ny ne croy tant de bonheur ; aussi quel seroit son dessein envers moy, qui suis né berger, et qui veux vivre et mourir tel ? – Vostre naissance, reprit ma compagne, ne peut estre que grande, puis qu’elle a donné commencement à tant de perfections. – O Leonide, respondit, vos paroles sont pleines de mocquerie ; mais quand elles seroient veritables, avez-vous opinion que je ne sçache qui est Galathée, et qui je suis ? Si fais, certes, belle nymphe, et sçay fort bien mesurer ma petitesse, et sa grandeur à l’aulne du devoir. – Voire, respondit Leonide, pensez-vous qu’Amour se serve des mesmes mesures, que les hommes ? Cela est bon pour ceux qui veulent vendre ou acheter, mais ne sçavez-vous pas, que les dons ne se mesurent point, et amour n’estant rien qu’un don, pourquoy le voudriez-vous reduire à l’aulne du devoir ? Ne doutez plus de ce que je vous dis, et pour ne manquer à vostre devoir, rendez luy autant, et d’amour, et d’affection, qu’elle vous en donne.

Je vous jure, madame, que jusques alors je m’estois figurée que Leonide parloit pour elle mesme, et ne faut point que j’en mente : du commencement ce discours m’estonna, mais depuis voyant avec combien de discretion vos actions estoient conduites, je louay beaucoup la puissance que vous aviez sur elles, sçachant bien qu’il est plus difficile de commander absolument à soy-mesme qu’à tout autre. – Ma mignonne, respondit Galathée, si vous sçaviez l’occasion que j’ay de rechercher l’amitié de Celadon vous loueriez et conseilleriez ce mesme dessein, car vous souvient-il de ce druyde qui nous predit nostre fortune ? – J’en ay bonne memoire, respondit-elle, il n’y a pas fort long-temps. – Vous sçavez, continua Galathée, combien de choses veritables il vous a predites, et à Leonide aussi. Or sçachez que de mesme il m’a asseurée, que si j’espousois jamais autre que Celadon, je serois