Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/147

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telle qu’un soir il se trouva en si grande extremité, que les nymphes le tindrent pour mort ; mais en fin il revint à soy, et peu apres fit une tres grande perte de sang, qui l’affaiblit de sorte, qu’il voulut reposer. Cela fut cause que les nymphes le laisserent seul avec Meril, et s’estant retirées, Silvie toute effrayée de cest accident, s’adressant à Galathée, luy dit : Il me semble, madame, que vous estes pour entrer en une grande confusion, si vous n’y mettez quelque ordre. Jugez en quelle peine vous seriez, si ce berger se perdoit entre vos mains, à faute de secours. – Helas ! dit la nymphe, dés l’accroissement de son mal j’ay bien considéré ce que vous dites, mais quel remede y a-t’il ? Nous sommes icy entierement despourveues de ce qui luy est necessaire, et d’en avoir ailleurs, quand il iroit de ma vie, je ne le voudrois pas faire, pour la crainte que j’ay, que l’on le sçache ceans.

Leonide, que l’affection faisoit parler plus resolument que Silvie, luy dit : Madame, ces craintes sont fort bonnes, en ce qui ne touche point la vie de personne ; mais où il y en va, il ne faut point estre tant considerée, ou bien prevoir les autres inconveniens qui en peuvent naistre. Si ce berger meurt, avez-vous opinion que sa mort demeure sans estre sceue ? quand ce ne seroit que pour punition, il faut que vous croyez que le Ciel mesme la decouvriroit. Mais prenons toutes choses au pis, et qu’on sçache que ce berger est ceans : et quoy, pour cela ne pourrez-vous pas couvrir vostre dessein de celuy de la compassion, à laquelle nostre naturel nous incline toutes ? Et toutesfois, s’il vous plaist de vous reposer de cest affaire sur moy, je m’asseure de le conduire si discrettement, que personne n’en descouvrira rien. Car, madame, j’ay , comme vous sçavez, mon oncle Adamas, prince des druydes de ceste contrée à qui nul des secrets de nature, ny des vertus des herbes ne