Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/184

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pour elle, elle fut conseillée par sa mere de le rendre le plus amoureux qu’il luy seroit possible. Et vous asseure, belle Diane, qu’elle ne s’y feignit point, car depuis ce temps-là elle estoit plustost celle qui recherchoit, que la recherchée.

Si bien que un jour qu’elle le trouva à propos, ce luy sembloit, dans le plus retiré du bois de Bon- lieu, où de fortune il estoit allé chercher un brebis qui s’estoit esgarée, apres quelques propos communs, elle luy jetta un bras au col, et apres l’avoir baisé, luy dit : Gentil berger, je ne sçay qu’il y peut avoir en moy de si desagreable, que je ne puisse par tant de demonstrations de bonne volonté trouver lieu en vos bonnes graces. – C’est peut- estre, respondit le berger en sousriant, parce que je n’en ay point. – Celuy qui diroit comme vous, repliqua la bergere, devroit estre estimé autant aveugle que vous l’estes, si vous ne voyez point l’offre que je vous fais de mon amitié. Jusques à quand, berger, ordonnez- vous que j’aime sans estre aimée, et que je recherche sans que l’on m’en sçache gré ? Si me smble-t’il que les autres bergeres, de qui vous faites tant de cas, ne sont point plus aimables que moy, ny n’ont aucun avantage dessus moy, sinon en la possession de vos bonnes graces. Olimpe proferoit ces paroles avec tant d’affection, que Lycidas en fut esmeu.

Belle Diane, toutes les autres fois que je me suis ressouvenue de l’accident qui arriva lors à ce berger, je n’ay peu m’empescher d’en rire, mais ores mon mal-heur me le deffend. Et toutesfois il me semble qu’il n’y a pas dequoy s’ennuyer, sinon pour Phillis, qui lui avoit tant commandé de feindre de l’aimer ; car la feinte en fin fut à bon escient, et ainsi ceste miserable Olimpe, pensant par ses faveurs se faire aime d’avantage, se rendit depuis ce temps-là si mesprisée, que Lycidas [ayant eu d’elle tout ce qu’il en pouvoit avoir] la desdaigna, de sorte qu’il ne la pouvoit souffrir aupres de luy. Incontinent que ceste