Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/196

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Parce qu’il eut par adventure
Plus de bien que je n’ay pas eu :
Infidelle, osez-vous encor
Sacrifier à ce veau d’or ?
 Où sont les sermens que nous fismes ?
Où sont tant de pleurs espandus,
Et ces adieux, quand nous partismes ?
Le Ciel les a bien entendus :
Quand vostre cœur les oublioit,
Vostre bouche les les publioit.
 Yeux parjurez, flamme infidelle,
Qui n’aimez sinon en changeant,
Fasse amour qu’une beauté telle
Que la vostre m’aille vengeant :
Qu’elle faigne de vous aimer
Seulement pour vous enflammer.
 Ainsi pressé de sa tristesse,
Un amant trahy se plaignoit,
Quand on luy dit que sa maistresse
Pour un autre le dedaignoit :
Et le Ciel tonnant par pitié
Promit venger son amitié.
 Il estoit couché, miserable,
Pres de Lignon, et s’en alloit,
Du doigt marquant dessus le sable
Leurs chiffres, ainsi qu’il souloit :
Ce chiffre, dit-il, trop heureux,
Helas ! n’est plus propre à nous deux.
 Lors de pleur, enfant de la peine,
Qu’une juste douleur poussoit,
Tombant à grands flots sur l’arene,
Ces doubles chiffres effaçoit :
Efface, dit-il, ô mon pleur,
Non pas ceux-cy, mais ceux du cœur.
 Amant