Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/227

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de m’en divertir.

Je fus extremement aise de cet avertissement, ayant moy-mesme ceste mesme crainte, outre que la voyant avec ceste prevoyance je jugeay qu’elle faisoit dessein de suyvre mon advis, autrement elle ne s’en fust pas souciée. Ainsi donc elle s’en alla avec asseurance de revenir le troisiesme jour d’apres. Or ce qui m’avoit fait dire qu’il falloit que ce fut avant que la lune descreust, fut afin que si quelqu’autre me venoit importuner de semblable chose, je peusse trouver excuse sur le deffaut de la lune, et aussi j’avois dit qu’il falloit que ce fust avant le jour, afin d’y avoir moins de personnes. Et quant au jour des Bacchanales, j’avois conté que c’estoit ce jour là que Lindamor devoit prendre congé d’Amasis à Marcilly, et d’elle par consequent, et aussi qu’il seroit habillé de vert. Or toutes ces choses ainsi resolues et preparées, je donnay ordre à trouver ce qu’il falloit, pour le sacrifice que nous avions à faire le troisiesme jour : car encore que je ne sceusse guere bien ce mestier, si falloit-il que je me monstrasse expert en cela, afin qu’elles, qui y estoient accoustumées, n’y trouvassent rien à dire. Vous sçavez que dés le commencement nous y estions preparez, et que nous avions donné ordre pour recouvrer tout ce qui estoit necessaire. Le matin venu, à peine le jour commençoit à poindre, que je la trouvay en l’estat que je luy avois ordonné avec Silvie et Leonide, et sans mentir je desiray alors que vous y fussiez, pour avoir le contentement de voir cette belle, dont les cheveux au gré du vent s’alloient recrespants en ondes, n’estans couverts qne d’un chappeau de verveine. Vous eussiez veu ce bras nud, et ceste jambe blanche comme albastre, le tout gras et poli, en sorte qu’il n’y avoit point d’apparence d’os, la greve longue et droite, et le pied petit et mignard, qui faisoit honte à ceux de Thetis.

Il faut que j’advoue la verité, je voulus un peu passer