Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/256

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Or jugez, mon pere, si j’ay occasion de me douloir d’elle, et si ceux qui le racontent à mon desavantage en ont esté bien infor­mez. – A la verité, respondit Adamas, voilà une femme indigne de ce nom, et m’estonne comme il est possible, qu’ayant trompé tant de gens, il y ait encor quelqu’un qui se fie en elle. – Encore ne vous ay-je pas tout raconté, reprit Corilas ; car après que chacun s’en fut allé, horsmis Lysis,elle fit en sorte que Semire l’arresta jusque sur le soir. Cependant, comme je croy, qu’elle alloit cher­chant quelque artifice pour r’avoir sa promesse, parce qu’elle voyoit bien qu’il estoit du tout offensé contre elle, en fin tout effrontément elle luy parla de ceste sorte : Est-il possible, Lysis, que vous ayez tellement perdu l’affection, que si souvent vous m’avez jurée, que vous n’ayez plus nulle volonté de me plaire ? – Moy, dit Lysis, le Ciel me fasse plustost mourir.

A ce mot, quelque empeschement qu’elle y sceust mettre, il sortit de la maison pour s’en aller, mais elle l’atteignit assez pres de là, et luy .prenant la main entre les siennes, la luy alloit serrant d’une façon, que chacun eust jugé qu’il y avoit bien de l’amour. Et quoy qu’il fust tres-sçavant de son humeur et de ses tromperies, si ne se peut-il empescher de se plaire à ses flatteries, encor qu’il ne leur adjousta point de foy, ce qu’il tesmoigna bien, lors que con­siderant ses actions, il luy dit : Mon Dieu, Stelle, que vous abusez des graces dont le Ciel vous a esté sans raison prodigue ! Si ce corps enfermoit un esprit qui eust quelque ressemblance avec sa beauté, qui est-ce qui pourroit vous resister ? Elle qui recogneut quelle force avoient eu ses caressees, y adjousta tout l’artifice de ses yeux, toutes les menteries de sa bouche, et toutes les malices de ses inventions, avec lesquelles elle le tourna de tant de costez, qu’elle le mit presque hors de luy mesme, et puis elle usa