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Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/294

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à bon escient. Et pour ne contrevenir à ce que je luy avois promis, je luy fis telle response : Bergere, si les louanges que vous me donnez estoient veritables, je croirois peut-estre ce que vous me dites de vostre affection ; mais sçachant bien que ce sont flatteries, je ne puis croire que le reste ne soit dissimulation. – C’est trop blesser vostre jugement, me dit-il, que de douter de la grandeur de vostre merite, mais c’est avec semblables excuses que vous avez accoustumé de refuser les choses que vous ne voulez pas ; si puis-je avec verité jurer par Teutates, et vous sçavez bien que je ne me parjure pas, que vous ne refuserez jamais rien qui vous soit donné de meilleure, ny plus entiere volonté. Je sçay bien, luy respondis-je, que les bergers de ceste contrée ont accoustumé d’user de plus de paroles, où il y a moins de verité, et qu’ils tiennent entre eux pour chose tres-averée, que les dieux n’escoutent, ny ne punissent jamais les faux serments des amoureux. – Si c’est un vice particulier de vos bergers, dit-il, je m’en remets à vostre cognoissance ; mais moy, qui suis estranger, je ne dois participer à leur honte, non plus que je ne fais à leur faute. Et toutesfois par vos paroles mesmes plus cruelles, il faut que je retire quelque satisfaction pour moy. Car encor que les dieux ne punissent les serments des amoureux, si je ne le suis pas, comme il semble que vous en doutez, les dieux ne laisseront de m’envoyer le chastiment de parjure, et s’ils ne le font, vous serez contrainte d’avouer, que n’estant point chastié, je ne suis don point menteur, et si je suis menteur, et ne suis bien chastié, il faut que vous confessiez que je suis amant. Et par ainsi, de quelque costé que vostre bel esprit se veuille tourner, il ne sçauroit desadvouer qu’il n’y a point de beauté en la terre, ou Diane est belle, et que jamais