Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/30

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gros bracelets de perles sembloient le tenir attaché. Chacune avoit au costé le carquois rempli de flesches, et portoit en la main un arc d’ivoire ; le bas de leur robe par le devant estoit retroussé sur la hanche, qui laissoit paroistre leurs brodequins dorez jusques à my jambe. Il sembloit qu’elles fussent venues en ce lieu avec quelque dessein, car l’une disoit ainsi : C’est bien icy le lieu, voicy bien le reply de la riviere voyez comme elle va impetueusement là haut, outrageant le bord de l’autre costé, qui se rompt et tourne taut court en cà. Considerez cette touffe d’arbres, c’est sans doute celle qui nous a este representée dans le miroir. – Il est vray, disoit la premiere,’mais il n’y a encor gueres d’apparence en tout le reste, et me semble que voicy un lieu assez escarté pour trouver ce que nous y venons chercher. La troisiesme qui n’avoit point encore parlé : Si a-t’il bien, dit-elle, quelque apparence en ce qu’il vous a dit, puis qu’il vous a si bien representé ce lieu que je ne croy point qu’il y ait icy un arbre que vous n’ayez veu dans le miroir. Avec semblables mots, elles approcherent si pres de Celadon, que quelques fueilles seulement le leur cachoyent. Et parce qu’ayant remarqué toute chose particulierement, elles recogneurent que c’estoit là sans doute le lieu qui leur avoit esté monstré, elles s’y assirent, en deliberation de voir si la fin seroit aussi veritable que le commencement ; mais elles ne se furent si tost baissees pour s’asseoir, que la principale d’entr’elles aperceut Celadon, et parce qu’elle croyoit que ce fust un berger endormy, elle estendit les mains de chaque coste sur ses compagnes. Puis sans dire mot, mettant le doigt sur la bouche, leur monstra de l’autre main entre ces petits arbres, ce qu’elle voyoit, et se leva le plus doucement qu’elle peut pour ne l’esveiller ; mais le voyant de plus pres, elle le creut