Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/346

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que nos fortunes avoyent quelque sympathie entre elles, elle me pria de vouloir demeurer et parachever nos voyeges ensemble, puis que toutes deux faisions une mesme queste. Moy qui me veis seule, je receus les bras ouvertes ceste commodité, et despuis nous ne nous sommes point esloignées. Mais que serte ce discours à mon propos, puis que je ne veux seulement que raconter ce qui est de Tircis et de moi ? Gentil berger, ce me sera assez de vous dire, qu’apres avoir demeuré plus de trois mois en ces pays-là, en fin nous sceusmes qu’il estoit venu icy, où nous n’arrivasmes si tost, que je le rencontray, et tant à l’impourveu pour luy, qu’il en demeura surpris. Pour le commencement il me receut avec un assez bon visage ; mais en fin sçachant l’occasion de mon voyage, il me declara tout au long l’affection extreme qu’il avoit portée à Cleon, et combien il estoit hors de son pouvoir de m’aimer. Amour, s’il y a quelque justice en toy, je te demande, et non à cest ingrat, quelque recognoissance de tant de travaux passez.

Ainsi paracheva Laonice, et monstrant qu’elle n’avoit rien d’avantage à dire, en s’essuyant les yeux, elle les tourna pitoyablement contre Silvandre, comme luy demandant faveur en la justice de sa cause.

Lors Tircis parla de ceste sorte : Sage berger, quoy que l’histoire de mes malheurs soit telle que ceste berger vient de vous raconter, si est ce que celle de mes douleurs est bien plus pitoyable, de laquelle toutesfois je ne vous veux point entretenir d’avantage, de crainte de vous ennuyer, et ceste compagnie ; seulement, j’adjousteray à ce qu’elle vient de dire, que ne pouvant supporter ses plaintes ordinaires, d’un commun consentement, nous allasmes à l’Oracle, pour sçavoir ce qu’il ordonneroit de nous, et nous eusmes une