Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/375

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Or regardez comme vous l’entendez, reprit Silvandre : tant s’en faut que vous me vueilliez tant de mal, que j’espere par vostre moyen de parvenir à ceste cognoissance que je desire. – Par mon moyen ? respondit-elle toute estonnée, et comment cela ? – Par vostre moyen, continua ce berger : car puis qu’il faut que les lyons meurent par le sang d’un amant et d’une amante fidelle, pourquoy ne dois-je croire que je suis cest amant, et vous l’amante ? – Fidèle suis-je bien, respondit Phillis, mais vaillante ne suis-je pas, de sorte que pour bien aymer ma maistresse, je ne le cederay à personne ; mais pour mon sang et ma vie n’en parlons point, car quel service luy pourrois-je faire estant morte ? – Je vous asseure, respondit Diane, que je veux vostre vie de tous deux, et non pas vostre mort, et que j’aimerois mieux estre en danger moy mesme, que de vous y voir à mon occasion.

Cependant qu’ils discouroient de ceste sorte, et qu’ils alloient approchant du pont de la Bouteresse, ils virent de loing un homme qui venoit assez viste, et qui estant plus proche, fut recogneu bien tost par Leonide : car c’estoit Paris, fils du grand druide Adamas, qui estant revenu de Feurs, et ayant sceu que sa niepce Pestoit venu chercher, et voyant qu’elle ne revenoit point, luy envoyoit son fils pour l’advertir qu’il estoit de retour, et pour sçavoir quelle occasion la conduisoit ainsi seule, d’autant que ce n’estoit pas leur coustume d’aller sans compagnie.

D’aussi loing que la nymphe le recogneut, elle le nomma à ces belles bergeres, et elles, pour ne faillir au devoir de la civilité, quand il fut pres d’elles, le saluerent avec tant de courtoisie, que la beauté et l’agreable façon de Diane luy pleurent de sorte, qu’il en demeura presque ravy, et n’eust esté que les caresses de Leonide le divertirent un peu, il eust esté